Disparition de Gabrielle Démians d’Archimbaud
1929-2017
Gabrielle Démians d’Archimbaud, Présidente d’honneur de l’AIECM3 nous a quittés le 1er août 2017.
Cette grande dame, fut, avec Michel de Bouärd, a l’origine du développement de l’archéologie médiévale en France. C’est en conduisant le chantier école du village déserté de Rougiers (Var) qu’elle s’est trouvée, avec son équipe, aux prises avec un matériel céramique aussi abondant que méconnu. 92 000 tessons lui imposèrent une approche nouvelle et systématique qui manquait alors cruellement de références. Dès 1969, elle a noué de nombreux contacts avec des chercheurs institutionnels ou privés et établi des liens personnels avec des conservateurs de musées en Italie, Espagne et en Afrique du Nord, sur la problématique complexe des identifications, des datations, des influences, des échanges matériels et immatériels et de leur contextualisation.
Dès 1969, elle cherchait à s’informer sur les découvertes récemment effectuées dans l’ensemble de la péninsule italienne. De cette époque datent les premières rencontres informelles avec les chercheurs des deux péninsules méditerranéennes. C’est d’abord vers l’Espagne qu’elle s’est orientée, où, entre 1964 et 1967, elle rencontra Lluís Maria Llubià I Munné et Ainaud de Lasarte, au Musée Monjuich de Barcelone et Manuel Riu i Riu à Grenade. Grâce à Juan Zozaya qui faisait alors son service militaire et à ses amies conservatrices, elle eut accès aux fonds du Musée Archéologique National de Madrid en 1966. Côté italien, les rencontres avec Nino Lamboglia, Liana Tongiorgi, Graziella Berti, G. Liverani et Tiziano Mannoni, à la fin des années 1960 et début des années 1970 ont été vraiment essentielles dans la détermination de la part des importations vers la Provence. Dès le milieu des années 1970, consciente des limites des approches céramologiques traditionnelles et de la nécessité de mieux caractériser les productions, elle mit en œuvre une collaboration qui se poursuit encore entre le Laboratoire de Céramologie de Lyon, alors dirigé par un physicien, Maurice Picon. Parallèlement, elle multiplia les relations personnelles avec d’autres archéologues, des chercheurs de diverses institutions, des conservateurs de musées, travaillant tant en France qu’en Grande-Bretagne, au Maroc, en Tunisie et en Algérie. C’est de ces contacts informels mais répétés d’abord, puis institutionnels ensuite, qu’est née à l’initiative de Gabrielle Démians d’Archimbaud et de Maurice Picon, l’idée de la première grande confrontation des connaissances et des problématiques qui prit la forme et le titre de premier Colloque international de Céramologie « La céramique médiévale en Méditerranée occidentale Xème -XVème siècles ». Cette rencontre se tint au Centre de Recherches Archéologiques de Valbonne (Alpes-Maritimes), du 11 au 14 septembre 1978 et donna lieu à la publication du premier volume d’une série qui en compte aujourd’hui onze. Devant le succès rencontré et au regard des chantiers ouverts, il fut décidé, à l’issue du Colloque de Valbonne, de renouveler puis bientôt d’institutionnaliser le principe de rencontres d’abord triennales puis quadriennales. Vinrent donc par la suite les colloques de Tolède en 1981, de Sienne-Faenza en 1984, de Lisbonne en 1987, de Rabat-Marrakech en 1991, d’Aix-en-Provence, en 1995, devenus congrès à partir de celui de Thessalonique en 1999, de Ciudad Réal-Almagro en 2006, de Venise en 2009, de Mertola-Silves 2012 et d’Antalya en 2015. L’inscription du principe de ces rendez-vous scientifiques dans la durée a conduit en 1992, à la création de l’AIECM2, des Comités Nationaux ou d’Aires culturelles et du Comité international en charge des congrès pléniers, dont Gabrielle Démians d’Archimbaud assura la Présidence effective jusqu’en 2006. Depuis 1978, les congrès internationaux réunissent et fédèrent la plupart des chercheurs en archéologie, histoire et céramologie travaillant sur tout le pourtour de la Méditerranée occidentale dans un premier temps, en France, Italie, Espagne, Portugal, Tunisie, Maroc, Algérie. Par la suite, c’est à son initiative, avec le Congrès de Thessalonique en 1999, que l’ouverture à la Méditerranée orientale et à de nouveaux pays émergents s’est imposée, englobant la Grèce, la Turquie, la Bulgarie, la Croatie, Chypre, et le Proche-Orient jusqu’à l’Asie centrale (Egypte, Syrie, Jordanie, Liban, Israël, Ukraine, Iran, Ouzbékistan). Ces rencontres régulières, qui s’échelonnent tous les trois ou quatre ans, depuis 1978, permettent de mettre en évidence des échanges culturels, des transferts de technologie ainsi que la permanence de commerce de la céramique depuis la fin de l’Antiquité tardive jusqu’à l’époque moderne. L’apport de l’archéométrie (analyses géochimiques et pétrographiques des argiles et des glaçures, datations de laboratoire des fours), contribue à confirmer les origines des ateliers de céramiques et de leur diffusion à grande échelle. Toutes ces manifestations ont été assorties d’expositions organisées par le pays accueillant.
Car, très tôt, Gabrielle Démians d’Archimbaud fut animée du souci de rendre au public les résultats des actions que les archéologues mènent en son nom. La volonté de diffuser auprès du grand public et de la communauté scientifique les résultats des connaissances acquises s’est affirmée dès les années 1970, d’abord dans le cadre régional puis national et international. Pour Gabrielle Démians d’Archimbaud, ce sont les expositions accompagnées de publications qui constituent le plus efficace et le plus nécessaire des moyens de rendre intelligible et sensible au plus grand nombre l’investissement de la recherche publique.
Dans le cadre des recherches céramologiques et à l’occasion du VIème congrès de l’AIECM2 tenu à Aix-en-Provence, elle a assuré en 1995 le commissariat scientifique de trois importantes expositions internationales et itinérantes: «Le Vert et le Brun, de Kairouan à Avignon, céramiques du Xème au XVème siècle», Marseille, La Vieille Charité, qui réalise la synthèse sur l’apparition des faïences en Méditerranée ; «Petits Carrés d’Histoire, pavements et revêtements muraux dans le midi méditerranéen du Moyen Age à l’époque moderne», Avignon, Palais des Papes, qui révèle toute la richesse sur une mode de revêtement en faïence et terre vernissée jusqu’alors peu connue pour la période médiévale et « Terres de Durance, céramiques de l’Antiquité aux temps modernes», Musée de Digne, qui met en lumière une zone de production importante depuis le Moyen Age, nouvellement documentée par les fouilles et le croisement avec les sources écrites et iconographiques.
Ainsi, dans ces décennies essentielles pour l’affirmation de l’archéologie médiévale et moderne à l’échelle nationale et internationale, Gabrielle Démians d’Archimbaud a d’abord joué un rôle primordial en fondant une véritable «école» d’archéologie médiévale dans l’espace provençal et languedocien et en contribuant fortement à son essor dans toute la Méditerranée. Grâce à son action continue, cette dynamique s’est étendue, aux recherches sur la céramique en Méditerranée dans la longue durée dont l’AIECM3 s’efforce aujourd’hui d’enrichir le précieux héritage.
G. d’Archimbaud ovationnée au Congrès d’Aix-en-Provence 1995